L’hôtellerie de montagne explore de nouvelles pistes
Autrefois la propriété d’hôteliers indépendants, les hôtels dans les Alpes françaises entrent dans une nouvelle phase sous l’effet des changements d’attentes des clientèles, des opérateurs et des investisseurs.
« Le marché hôtelier de montagne présentait jusqu’à récemment un profil similaire à celui de l’hôtellerie urbaine des années 80-90, à savoir un profil très fragmenté avec des établissements d’environ 50 chambres ou moins »
L’hôtellerie dans les Alpes françaises est à un tournant. Longtemps l’apanage de familles savoyardes, des transformations sont en cours à la faveur de la transmission ou cession d’hôtels.
Le secteur, qui s’est ouvert aux investisseurs institutionnels et aux fonds d’investissement français tels qu’Algonquin ou Sofival il y a plusieurs années, continue ainsi d’attirer des non spécialistes de la montagne pariant sur la consolidation et la diversification.
« Le marché hôtelier de montagne présentait jusqu’à récemment un profil similaire à celui de l’hôtellerie urbaine des années 80-90, à savoir un profil très fragmenté avec des établissements d’environ 50 chambres ou moins, » selon Gwenola Donet, Directrice France du département Hotels & Hospitality chez JLL. « Nous assistons à présent, à un mouvement de consolidation du secteur hôtelier, via des plateformes permettant d’optimiser le revenu et les coûts. »
Ce potentiel du marché de la montagne a été initié et renouvelé par des acteurs structurants comme P&V et le Club Med, qui, dès l’origine, ont utilisé l’effet de taille pour assoir leur pénétration. Le célèbre opérateur aux Tridents a ainsi récemment annoncé l’ouverture d’un nouveau club aux Arcs. Doté de 433 chambres, ce resort associe haut de gamme et très grande capacité, attestant de leur compatibilité.
Bien plus encore, la forte capacité d’accueil, que ce soit sur une unité ou à l’échelle d’un groupe, permet d’optimiser les coûts et offre une diversité de services plus vaste et donc une expérience plus complète pour le client.
Plusieurs groupes hôteliers semblent d’ailleurs adopter cette stratégie, à l’image de Belambra qui vient d’annoncer l’ouverture d’un club de 250 chambres dans la vallée d’Avoriaz.
« Ces expansions montrent à quel point les opérateurs voient la montagne comme un marché d’avenir, » estime Gwenola Donet. « En ouvrant des resorts de taille conséquente, ils estiment qu’il y a un potentiel continu de la demande dans les Alpes. »
Forte attractivité
Ils n’ont pas tort. A en croire les chiffres de Domaines Skiables de France, la Haute-Savoie a enregistré une hausse de trois pour cent de sa fréquentation en 2017-2018 par rapport à la moyenne des quatre hivers précédents.
Les Alpes françaises attirent donc toujours plus de touristes, au-delà même des frontières françaises ou européennes.
« En complément du socle européen, nous voyons davantage de touristes chinois séjourner dans les Alpes par exemple, et même un infime pourcentage de captation de cette demande représente un gisement de croissance intéressant, » explique Gwenola Donet. « Cela est en partie lié au fait que le développement et rayonnement du ski en Chine est porté par des initiatives alpines, dont la ‘China Ski Academy’, un partenariat signé en 2012 entre le Club Med et l’école du ski français. De fait, la nature mais aussi le volume de la demande pour les stations alpines évolue sans cesse. »
Une destination d’avenir
Par ailleurs, les visiteurs sont souvent séduits par des offres marketing plus établies. « Les hôteliers tentent à présent de vendre la montagne plus longtemps et proposent des offres de Noël pour convaincre les gens de venir passer les fêtes de fin d’année au ski mais aussi des offres de printemps où l’enneigement est moindre mais où des activités annexes sont proposées comme des randonnées ou des journées spa, » explique Gwenola Donet.
La montagne ne serait donc plus seulement l’apanage de skieurs aguerris.
« Les journées ‘non skieurs’ sont passées de 9 à 15 pour cent entre 2007 et 2017, » note Gwenola Donet. « La montagne n’est donc plus réservée aux sportifs qui passent leur temps à skier mais elle est aussi devenue une expérience où l’on vient pour se ressourcer et déconnecter, englobant ainsi une demande beaucoup plus large et totalement en phase avec la tendance actuelle pour la nature, l’authenticité et l’expérience de retrouvaille en famille ou en tribu. »
Chiffres encourageants
Grâce à cette offre variée, la montagne est devenue une destination qui rapporte. Selon JLL, les hôtels de luxe à la montagne enregistreraient sur 130-140 jours seulement un chiffre d’affaires comparable à celui effectué par des hôtels de gamme similaire à Marseille ou Lyon, voire Paris pour les plus luxueux, sur une année entière.
« Ces bons résultats s’expliquent par l’effet de rareté et l’attrait de la montagne, ce qui permet de pratiquer des prix élevés tout en conservant de bons taux d’occupation, » explique Gwenola Donet. « De plus, certains hôteliers sont passés des réservations traditionnelles du samedi au samedi à des séjours plus flexibles de quelques jours seulement et ce, afin de maximiser leur RevPAR. »
Mais la montagne n’est pas seulement réservée aux vacanciers au fort pouvoir d’achat. Les jeunes étudiants passionnés de glisse mais aux moyens financiers limités trouvent eux aussi leur bonheur grâce à des offres répondant spécifiquement à leurs besoins.
Ainsi, le groupe France Hostel a ouvert un nouvel établissement aux Deux Alpes. Le concept est simple : Proposer l’accessibilité d’une auberge de jeunesse avec un accueil et un service de qualité, un design attrayant et une restauration qualitative, tout cela à un prix abordable.
De même, le lifestyle s’empare de la destination avec des marques comme Hyatt Centric ou encore le développement de nouveaux concepts comme Les Hotels Tres Particuliers et la Folie Douce sur l’ex-Club Med Chamonix, attestant d’un renouvellement et d’une plus grande profondeur des opérateurs.
Avec l'évolution de l'offre d’hébergement dans les Alpes françaises et l'arrivée croissante de voyageurs internationaux, les opportunités pour les investisseurs ne manqueront donc pas dans les années à venir.
« Dans le futur, nous anticipons un intérêt croissant des investisseurs ‘consolidateurs’, et notamment l’arrivée potentielle de capitaux étrangers. Ceci étant lié à la qualité des stations des alpes françaises et à la demande croissante mais aussi aux fortes barrières à l’entrée en raison du peu de foncier disponible et au manque de création de stations de ski, » conclut Gwenola Donet.