Article

Comment le transport
doit-il se réinventer ? 

Le transport routier est un secteur névralgique incontournable avec près de 90% de l’acheminement des biens en France, toute marchandise confondue, effectué par la route. Comment le transport doit-il se réinventer face à cette situation ?

15 avril 2020

Le transport routier est un secteur névralgique incontournable avec près de 90% de l’acheminement des biens en France, toute marchandise confondue, effectué par la route. Ce mode de transport est un maillon essentiel de la chaîne logistique et de l’aménagement des territoires. Il se caractérise par une grande flexibilité avec un réseau dense. Il est plus rapide et plus économique que les autres modes de transport, le fluvial et le ferroviaire étant davantage utilisés pour transporter les minerais et les matériaux lourds (en forte baisse depuis la fin de la sidérurgie, du charbon et la crise économique de 2008).

Ce maillon de la Supply Chain concentre 50% des coûts opérationnels logistiques. Il est donc essentiel de le maîtriser.

Le secteur du transport routier s’est fortement structuré avec la mise en place de nouvelles technologies : solutions de tracking, de cartographie, dématé→rialisation des data, … Derrière ces bâches colorées, de nombreux ingénieurs gèrent une quantité d’informations, du petit colis (acheminé en messagerie) au camion complet. Un chercheur, Aurélien Rouquet parle de « Logistisation du monde ».

Le transport routier est un maillon essentiel de la Supply Chain. Il doit répondre à de forts pics d’activité, et son conducteur doit satisfaire un consommateur impatient de recevoir un produit à moindre coût et le plus rapidement possible.

Sans le duo conducteur-camion, pas de livraison, pas de production, …

Mais pourquoi ce secteur est-il si tendu ?

Le transport routier fait face à une pénurie de main d’œuvre : il n’attire plus et il souffre d’un déficit d’image. De nombreux chauffeurs vont partir à la retraite (40% ont plus de 50 ans) et la main d’œuvre en provenance des pays de l’Est se tarie. Le secteur n’attire ni les jeunes générations ni le personnel féminin (moins de 3% sur des postes de conducteurs).

Le transport routier pèse fortement dans le bilan global des émissions de substances impliquées dans la pollution atmosphérique, notamment en milieu urbain, à proximité des lieux de livraisons et donc des populations. Cette problématique est d’autant plus criante que le taux de remplissage volumique des remorques est de l’ordre de 30% en moyenne.

De nouvelles organisations tentent de se mettre en place mais elles doivent être déployées à une plus grande échelle « to build a better tomorrow ».

La France dispose tout de même du 4ème réseau autoroutier au monde avec plus de 12 000km et nous nous devons d’optimiser les flux sur nos routes, grâce au :

·       « Platooning », qui permet de faire circuler des camions à la file, à faible distance afin que les véhicules suiveurs puissent profiter de la vitesse du camion leader et ainsi économiser du carburant. Alors pourquoi ne pas profiter de notre formidable infrastructure et ainsi réserver une voie sur les axes principaux les plus fréquentés pour nos poids lourds ? Et pourquoi pas, développer un platooning avec des véhicules autonomes ?

·       Road train, testé en Australie avec des véhicules plus longs, 18,75m qui permettent de réduire le nombre de véhicules moteurs et donc la consommation et le CO2.

Nous devons également transférer des flux routiers vers le ferroviaire, la France bénéficie d’un réseau de près de 28 000km, le 2ème en Europe. Les actions pourraient être :

·       Ferroutage qui consiste à charger des ensembles routiers avec leur chauffeur sur des trains afin de désengorger les axes routiers et limiter la pollution. On parle d’autoroutes ferroviaires. Il est peu utilisé, essentiellement pour le franchissement d’obstacles (Alpes, Manche, …) entre l’Allemagne, l’Italie et la Suisse et entre la France et l’Angleterre. Le ferroutage, comme le transport combiné rail-route (marchandises en conteneur) peut permettre d’atténuer l’impact sur les longues distances.

·       Le développement des wagons isolés sur des trains passagers comme c’est le cas dans le transport aérien avec un chargement de fret sur des vols commerciaux.

·       La mise en place de TGV fret sur les heures creuses du transport de voyageurs (notamment entre 22h et 6h).

Nous devons nous tourner vers l’utilisation de véhicules « propres », hybrides, électriques, hydrogènes et bientôt solaires. Imaginons des revêtements routiers qui permettraient à tous les véhicules y compris les poids lourds de rouler sans émettre la moindre pollution ni le moindre bruit moteur...

Quid du transport fluvial avec 18 000km de voies d’eau dont 8 500km navigables en France. Pourquoi ne pas développer nos fleuves, rivières et canaux pour créer un véritable réseau permettant de transporter nos marchandises grâce à des péniches électriques autonomes ?

Et pour satisfaire une demande toujours plus impatiente, allons plus loin et envisageons le développement à grande échelle de l’Hyperloop, projet d’Elon Musk basé sur des capsules lévitant dans des tubes pour transporter nos palettes de marchandises en un temps record.

Envisageons également l’utilisation de l’espace aérien avec un dirigeable chargé de colis qui lâche ses drones livreurs, comme on a pu le voir dans une vidéo d’un artiste japonais, Zozi, qui n’était qu’un montage d’un dirigeable Amazon.

Enfin, toutes ses mesures qui consistent à améliorer notre futur nécessiteront la mise en place de plateformes logistiques urbaines permettant d’assurer le last miles et ainsi de livrer les consommateurs urbains finaux avec des moyens de transport respectueux de l’environnement. L’activité des centres de distribution urbaine est basée sur un principe de mutualisation visant à améliorer la logistique urbaine. Des villes comme Monaco ou La Rochelle ont réussi cette transition en interdisant l’accès au poids lourds. Des centres de distribution multimodale urbaine (routier, ferroviaire, fluvial) sont le fer de lance de notre futur modèle d’organisation.

Toutes ces mesures ont certes un coût mais le transport ne doit pas se calculer sur le simple alignement de ses charges d’exploitation. Le coût environnemental représente un coût non négligeable qui pèse et pèsera de plus en plus sur notre économie.

Relocalisons nos industries stratégiques à proximité des besoins de consommation, limitons nos transports et servons au mieux nos clients.

Mettons en place des plans de continuités d’activité solides pour faire face aux risques et ne plus jamais revivre les pénuries constatées ces dernières semaines sur des produits vitaux.

Nous avons besoin d’un véritable plan Marshall pour reconstruire notre modèle transport pour les prochaines décennies.

Plus que jamais, en cette période de confinement où les besoins de transport sont essentiels, nous devons encourager les femmes et les hommes qui œuvrent jour & nuit, 7 jours sur 7 à la logistique pharmaceutique et aux besoins vitaux des populations. Bravo à tous, nous vous soutenons.

 

Rédacteur :

Catherine Fornengo, Directeur de projets Supply Chain 

Contact : 

Patrick RemordsDirecteur Supply Chain & Logistics Solutions

Conseil en Supply Chain