Comment Paris mise
sur les usages mixtes
pour rester attractive
A l'heure où de nombreux Parisiens délaissent peu à peu la capitale en raison de la hausse des prix du logements,
les pouvoirs-publics misent sur les bâtiments à usage mixte pour relancer l'attractivité de la ville.
Le résultat de l’étude menée par le cabinet Mercer en début d’année sur les villes où il fait bon vivre est sans appel. Paris se positionne à présent à la 39ème place de ce classement mondial, juste devant Londres, et continue ainsi sa chute amorcée il y a quelques années. Force est de constater qu’en Europe, les deux seules métropoles d’envergure mondiale ne brillent pas dans le classement.
Face à ce constat, les pouvoirs publics sont bien décidés à agir et déploient une arme nouvelle : les bâtiments à usage mixte.
« Par bâtiment mixte, nous entendons un bâtiment comprenant au moins trois usages différents et dont l’usage le plus important ne représente pas plus de 60 pourcent de la surface totale de l’immeuble, » explique Virginie Houzé, Directeur Études & Recherche France chez JLL, reprenant une définition de la Harvard School of Design.
Ainsi, parmi un échantillon de 88 projets analysés par JLL et retenus par la métropole du Grand Paris et par la municipalité dans le cadre des consultations « Réinventer Paris », « Inventons la métropole du Grand Paris » et « Réinventer la Seine », 50 pourcent sont à usage mixte.
« S’il est louable que Paris veuille conserver son unité architecturale, c’est au risque de devenir une ville musée. Il serait bon de réinstaurer une certaine flexibilité, à l’image de Londres, par exemple, qui a su faire cohabiter l’ancien et le moderne. »
Enjeux sociétaux
L’objectif de ces bâtiments est recréer des lieux de vie pour les Parisiens.
« Au fil du temps, l’augmentation des prix de l’immobilier s’est traduite par le départ des populations actives vers la banlieue et de fait, des trajets en transports plus longs pour se rendre au travail, » note Virginie Houzé. « La qualité de vie des citadins s’est donc peu à peu détériorée et Paris a perdu en attractivité auprès des cibles qu’elle cherche à atteindre, à savoir les jeunes diplômés, les chercheurs, les cadres supérieurs et travailleurs du secteur tertiaire au sens large. »
Mettre en commun lieux d’habitation, de travail et de loisirs, reste donc une façon de créer des espaces de vie et d’attirer les populations, selon elle.
Projets divers
Alors que la mixité se faisait jusqu’ici à l’échelle d’un quartier, où le résidentiel se mêle aux services et aux loisirs, elle se décline dorénavant à l’échelle du bâtiment avec les mêmes fonctions. L’idée étant de proposer des projets immobiliers qui répondent au mieux aux besoins variés des populations.
Ainsi, dans le cadre de « Réinventer Paris », le 17 boulevard Morland dans le 4ème arrondissement, et Ilot Fertile dans le 19ème, intègreront logements, hôtels, auberges de jeunesse, commerces et crèches.
De même, au sein du projet « Inventons la métropole du Grand Paris », Les lumières Pleyel à Saint-Denis laisseront place à des espaces de co-working et des fab-labs.
D’autres projets, quant à eux, intègreront davantage une notion de mixité-complémentarité, où les usages se déclineront autour d’un thème ou une activité principale. C’est notamment le cas du projet « Ré-alimenter Masséna » qui vise à faire de cette ancienne gare un vrai lieu de vie et de proximité pour les habitants du quartier en regroupant des espaces dédiés à l’alimentation.
Dans une démarche similaire, le “Collectif Coulanges”, dans le 4ème arrondissement, jouera la carte de la mode et du design avec des espaces de co-working, un incubateur, des commerces et des évènements.
Mais au-delà de cela, c’est bien de l’attractivité de la capitale française à l’étranger dont il s’agit. Paris est en concurrence directe avec les métropoles étrangères et la ville se doit de soigner son image aussi bien en matière de qualité de vie que de qualité des infrastructures et d’accès aux services si elle souhaite capter les investissements internationaux, les sièges sociaux de grandes entreprises et les talents.
Normes architecturales
Pour autant, lorsqu’il s’agit de concevoir des bâtiments à usage mixte, les contraintes ne manquent pas. Dans une ville comme Paris où les règlementations en matière de bâti comptent parmi les plus strictes d’Europe, concevoir des projets résolument innovants peut s’avérer compliqué.
« Dans le cadre des normes architecturales, les promoteurs sont parfois amenés à ne conserver que la façade des immeubles, quitte à tout reconstruire derrière, » constate Virginie Houzé. « Mais comme la contrainte de l’enveloppe existante perdure, on se retrouve avec des bâtiments qui ne sont pas forcément optimisés en termes d’usages. »
Elle croit qu’il est temps de changer. « S’il est louable que Paris veuille conserver son unité architecturale, c’est au risque de devenir une ville musée. C’est un avis totalement personnel, mais je trouve qu’il serait bon de réinstaurer une certaine flexibilité, à l’image de Londres, par exemple, qui a su faire cohabiter l’ancien et le moderne. »
En ce sens, seule une réelle volonté politique de long terme permettra à ces bâtiments mixtes de trouver leur place dans le paysage urbain parisien.