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Remettre le bureau au service de l'innovation et de la performance

Dans ce nouvel article de notre série "Conseils d'experts", Flore Pradère et Gaëlle Larché décryptent les mutations qui entourent le bureau. 

21 novembre 2022
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En 2 ans et demi, le travail hybride s’est imposé dans les entreprises. Il s’apparente même dorénavant à un avantage social pour les salariés et est utilisé par les employeurs comme un outil d’attraction et de fidélisation. Au point que le bureau semble avoir perdu de son attrait. Ce dernier doit donc se repenser pour devenir un lieu privilégié de socialisation et d’échange, au service de la créativité, de l’innovation et de la performance.

Marginal avant la crise sanitaire, le télétravail a pris depuis rapidement son essor. « Nos dernières enquêtes montrent que 55% des salariés ont adopté un mode d’organisation hybride, alternant travail en présentiel dans les locaux de l’entreprise, à domicile, voire dans des tiers-lieux », relate Flore Pradère, Directrice de recherche et prospective Work Dynamics chez JLL. La France, comme le reste du monde, s’inscrit dans cette nouvelle tendance, même si celle-ci possède quelques spécificités liées à sa culture managériale : « 91% des travailleurs français reviennent au bureau au moins une fois par semaine contre 73% en moyenne à l’international. Les managers aiment avoir leurs troupes sous leurs yeux ! Et seuls 21% des salariés français travaillent dans des tiers-lieux, contre 36% à l’international », poursuit Flore Pradère.
Dans l’ensemble, tous les secteurs sont concernés. « Il est bien sûr plus facile de télétravailler dans les activités de services que dans l’industrie. Pourtant, même le secteur industriel s’empare du télétravail : via ses cadres et personnels administratifs d’abord, mais aussi en créant des opportunités de se former à distance pour les métiers de techniciens et d’ouvriers qualifiés. C’est un enjeu d’équité auquel les entreprises sont particulièrement attentives », explique Flore Pradère.

En France, la plupart des entreprises proposent en moyenne deux jours de télétravail. « Il devient impossible pour les employeurs de refuser à minima un jour de télétravail à leurs équipes, il en va de leur capacité à recruter et à fidéliser dans un contexte où le marché du travail est devenu plus tendu », souligne Flore Pradère. Même si, comme toujours, quelques exceptions confirment la règle. « Les commerciaux doivent se déplacer, rencontrer leurs clients, il n’est pas toujours évident de mettre en place du télétravail pour ces catégories de personnel. De même, dans l’univers des startups et au sein d’équipes de recherche et développement (R&D), l’innovation exige des temps en présentiel conséquents, voire de ne pas recourir au télétravail face à un impératif d’ultra-disruption. Dans les entreprises du luxe, le télétravail fait beaucoup moins partie de la culture des entreprises et n’est pas réclamé par les salariés », énumère Gaëlle Larché, Directrice Workplace Strategy et conduite de changement chez JLL. Mais, indépendamment du nombre de jours de télétravail, l’heure est pour tous à la flexibilité de l’organisation du travail. « La flexibilité ne passe pas seulement par la possibilité de télétravailler, mais aussi par des aménagements horaires (horaires décalés par exemple, pour éviter les heures de pointe ou pour convenance personnelle) ou par l’instauration de la semaine de 4 jours, à l’image des expérimentations menées au Royaume-Uni ou en Espagne », détaille Gaëlle Larché.

Une implication grandissante des DRH dans la conception des espaces

Ces changements organisationnels supposent une profonde évolution des espaces de travail. « Les salariés ne viennent plus au bureau selon une routine quotidienne et sous la contrainte. Il faut les inciter à venir en proposant des services et une expérience différente. D’ailleurs, nous échangeons de plus en plus souvent avec les services des ressources humaines qui interviennent en tant que maître d’œuvre et conçoivent maintenant le bureau comme un lieu créateur de lien social et d’échanges », détaille Gaëlle Larché. Dans une étude récente de JLL (Le travail hybride décrypté, 2022), 63 % des employés déclaraient que les opportunités de socialisation étaient le moteur principal de leur venue au bureau.

Il faut donc démarrer par un décryptage en profondeur de l’utilisation quotidienne de l’espace de travail, déterminer si les équipes passent suffisamment de temps ensemble, identifier leurs besoins fondamentaux au cours d’une journée. À partir de là, l’aménagement et les commodités requis peuvent être définis. « Les espaces de travail doivent inclure des zones communes, mais aussi offrir des espaces de rencontres informelles qui sont déterminantes – à l’image de la machine à café – en matière de créativité. Certaines entreprises vont jusqu’à penser les déplacements dans l’entreprise de façon circulaire, afin de générer des occasions de rencontres fortuites entre les équipes et de créer ainsi du lien et de la sérendipité », relate Gaëlle Larché. Les maîtres mots en matière d’aménagement des bureaux sont devenus : la flexibilité, l’adaptabilité et la modularité. « Ces trois notions servent maintenant la rationalité économique, les entreprises doivent s’adapter rapidement à leur environnement, et doivent pouvoir s’appuyer sur un environnement de travail qui épouse leurs contraintes organisationnelles et leur permette de déployer des équipes flexibles et transverses », explique Gaëlle Larché. Ces enjeux de collaboration et de transversalité ne doivent pas pour autant faire oublier que l’entreprise doit aussi disposer d’espaces qui permettent un travail de concentration et une productivité élevée. Tout est une affaire d’équilibre et de parcours, avec des aménagements de plus en plus pensés selon un principe d’activity-based working : à chaque type d’activité, un espace dédié.

Des zones collaboratives modulaires

Parmi les zones collaboratives figurent notamment celles dédiées à la restauration et aux pauses et là aussi la modularité est de mise. « Une cantine peut aussi faire office de lieu de réunion, de bibliothèque et accueillir des clients ou des partenaires », souligne Gaëlle Larché. Ce type de lieux informels est particulièrement important en France, où l’un des moments de partage privilégiés est celui de la pause déjeuner. « Les salariés français accordent une grande importance à la pause déjeuner, aux antipodes de leurs homologues anglosaxons. Celle-ci doit constituer un moment de convivialité, mais aussi de plaisir. L’installation d’une offre de restauration proposant des produits frais et diversifiés, ou la mise en place de partenariats avec des entreprises de livraison de repas sains ou encore de corbeilles de fruits en libre-service constituent des éléments très appréciés des salariés », explique Flore Pradère. La recherche du bien-être des salariés passe aussi par une série de services et d’aides du quotidien. « Les entreprises s’emparent du trajet domicile-travail et réfléchissent au soutien aux mobilités douces en mettant à disposition des bornes de recharge, en incitant au covoiturage ou en créant des espaces dédiés aux trottinettes et aux vélos. Les services de ressources humaines s’intéressent aussi aux solutions de garde d’enfant, pour le quotidien mais aussi en dépannage », détaille Gaëlle Larché.

Plus fondamentalement, toutes ces évolutions interrogent le rôle et la place des entreprises dans la société. « L’accent mis sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises et le développement du travail hybride modifient radicalement la posture de l’employeur. Jusqu’où doivent-ils aller dans l’accompagnement des salariés ? Doivent-ils favoriser les nouvelles mobilités résidentielles ? Livrer des repas à domicile les jours de télétravail ? Mobiliser leurs collaborateurs autour d’activités de mécénat et de
mentorat ?
», s’interroge Flore Pradère. Mettre l’accent sur un environnement de travail plus social, ouvert aux échanges transverses et à l’innovation, signifie aussi une imbrication plus forte de l’entreprise dans son environnement. À l’avenir, l’entreprise devra être plus ouverte, non seulement vis-à-vis de ses collaborateurs et de leurs besoins, mais aussi à un écosystème plus large comprenant ses partenaires, ses clients, son quartier, les milieux associatifs… Une ouverture qui possède des effets positifs multiples : elle favorise l’intégration et la fidélisation des salariés, renforce la marque employeur et l’image de l’entreprise et, in fine, son efficacité. 

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