Edito et opinion

Intersectionnalité : un levier pour relever les défis de la diversité et de l’inclusion dans les entreprises ?

Dans ce 2ème article de notre série "Conseil d'experts", Rémi Calvayrac et Anne-Lyse Raoul décryptent le concept de l'intersectionnalité pour favoriser l'inclusion en entreprise et améliorer la qualité de vie au travail.

07 septembre 2022

Si le concept d’intersectionnalité constitue un outil puissant au service de l’inclusion, il demeure encore largement délaissé par les entreprises. Loin d’être un concept « gadget », cette démarche doit cependant être adaptée à chaque pays afin de prendre en compte les spécificités locales. Dans ce contexte, comment mettre le concept d’intersectionnalité à l’épreuve du réel, de l’entreprise en France ? Comment en faire un véritable levier pour renforcer la qualité de vie au travail de l’ensemble des collaborateurs ?

Phénomène majeur outre-Atlantique pour comprendre la diversité et favoriser l’inclusion, le concept d’intersectionnalité est encore peu connu en France du grand public et des entreprises. Celui-ci constitue « une approche de la diversité qui reconnaît la façon dont l’ethnicité, le sexe, la catégorie sociale, l'âge et toute autre caractéristique individuelle se recoupent pour façonner une expérience individuelle, personnelle et professionnelle. », explique Anne-Lyse Raoul, Directrice Diversité, Equité et Inclusion EMEA chez JLL qui reprend ainsi la grille de lecture conceptualisée en 1989 par Kimberlé Crenshaw, une féministe noire américaine. Bien appréhendé, ce concept peut ainsi se mettre pleinement au service de l’efficience et de la performance des entreprises comme de la qualité de vie au travail.
 

Une approche résolument locale

Dans l’Hexagone, les discussions autour de ces enjeux en sont encore à leurs prémices et les entreprises adoptent davantage un prisme orienté vers la diversité et l’inclusion que de l’intersectionnalité, en traitant chaque dimension de façon singulière (telle que le handicap ou l’égalité homme/femme) et non interconnectée aux autres. Leurs démarches doivent tout de même être adaptées au contexte local afin de prendre en compte les spécificités de chaque pays.
« Beaucoup d’entreprises françaises se refusent à aborder certaines thématiques comme la religion ou la sexualité car elles considèrent qu’elles relèvent du domaine privé et n’ont pas leur place dans la culture et la vie quotidienne de l’entreprise », explique Rémi Calvayrac, Head of Workplace & Design chez JLL France. Il n’en demeure pas moins qu’il est possible de traiter ce sujet.
« L’inclusion revient à prendre en compte les caractéristiques socio-économiques et culturelles de chaque individu, tout en s’inscrivant dans un contexte spécifique, cela a notamment été en partie le cas pendant la crise sanitaire », rappelle Anne-Lyse Raoul. Les entreprises ont en effet dû s’adapter lors des phases de confinement. « Les besoins des télétravailleurs qui ont des enfants ne sont pas les mêmes que ceux qui n’en ont pas, de même, il a par exemple été nécessaire d’adapter les horaires de travail des collaborateurs en situation de handicap et/ou souffrant de comorbidités afin qu’ils ne se retrouvent pas dans les transports en commun aux heures de pointe », poursuit Anne-Lyse Raoul. 

Au-delà de cette situation de crise, certains secteurs ou entreprises ont déjà commencé à prendre en compte quelques dimensions de la diversité et de l’inclusion, sans pour autant être exhaustives. « Le secteur de la pharmacie a beaucoup travaillé sur l’accessibilité et le handicap et mène depuis plusieurs années des politiques dans ce domaine », relate par exemple, Rémi Calvayrac. L’accès aux femmes à des postes à responsabilités est également un chantier engagé par beaucoup d’entreprises, ainsi que plus généralement la mise en œuvre d’une stratégie RSE. « Les entreprises ont pris conscience qu’elles ont un impact sur l’environnement et la société dans lesquels elles s’insèrent. Elles cherchent à développer des politiques en faveur de la vie de quartier en créant des partenariats avec les commerces locaux par exemple, ou encore en faisant bénéficier aux riverains d’un certain nombre de services dédiés à l’origine à leurs collaborateurs (restaurants, salles de sport, parkings etc.) », commente Rémi Calvayrac.
 

Une vision intégrée aux espaces de travail

Mais pour aller plus loin et prendre véritablement en compte toutes les dimensions de chaque individu les équipes de JLL, spécialisées dans l’immobilier d’entreprise, ont développé un référentiel autour de la diversité et de l’inclusion comportant 7 piliers qui se déclinent eux-mêmes en 200 critères. Elles accompagnent les entreprises et les investisseurs dans leurs projets de construction, d’acquisition ou de rénovation afin qu’elles favorisent la diversité et l’inclusion dans les immeubles et l’environnement de travail. « Cela passe par la prise en compte de différents critères comme l’accessibilité physique des locaux, des besoins liés à l’âge (séniorité), de l’équité des genres, de la neurodiversité et de la santé mentale, ou encore la diversité culturelle », détaille Rémi Calvayrac. Il s’agit alors de penser de façon très concrète l’inclusion. Les salariés neurodivergents par exemple peuvent avoir besoin de zones de calme, d’une luminosité plus faible et d’une acoustique adaptée. Les collaborateurs porteurs d’un handicap physique apprécient les ouvertures automatiques des portes et les travailleurs plus âgés ont des besoins spécifiques concernant l’ergonomie des bureaux qu’il faut prendre en compte.
 

Pour Anne-Lyse Raoul, il est cependant important que les entreprises pensent bien dès le départ à adopter une démarche intersectionnelle pour assurer l’égalité des chances en considérant l’individu dans toute sa diversité de sorte à promouvoir ainsi une réelle inclusion de l’ensemble des populations. « Au-delà du handicap, il faut aussi penser à l’âge des collaborateurs ou à la diversité culturelle présente au sein l’entreprise et appréhender comment toutes ces dimensions interagissent ensemble ». Comprendre les intersections qui existent au sein d'un collectif permet d’élaborer des stratégies visant à soutenir ceux qui peuvent être désavantagés, mais aussi à permettre à ceux qui disposent de certains avantages d'en prendre conscience et de mettre leur situation à profit pour soutenir leurs collègues. Une opportunité réelle d’adopter une longueur d’avance dans la prise en compte opérationnelle du «S » des politiques RSE.

Et si vous conceviez un environnement de travail performant ?

Les experts JLL vous aident à créer des espaces de travail qui stimulent la performance collective.