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Comment les espaces de travail adoptent le Big Data ? 

Pendant longtemps, les bureaux sont restés sourds à l’appel du Big Data. Les entreprises collectaient des données limitées, qui demeuraient souvent inexploitées. Pire encore, ces données fonctionnaient en silos, rendant impossible toute communication entre elles. Aujourd’hui, la tendance change.

08 octobre 2019
Décodage des données

 « Traditionnellement, les décideurs immobiliers captaient les attentes des utilisateurs lors de conversations au détour d’un couloir ou via des enquêtes, » note Flore Pradère, Directrice Recherche Entreprises chez JLL. « On était dans une logique intuitive, alors que nous sommes à présent dans une approche beaucoup plus objective. »

La quantité croissante de données collectées permet désormais de rationaliser l'allocation des mètres carrés grâce à des capteurs de présence ou à des détecteurs de mouvements infrarouges, qui permettent d'identifier avec précision les espaces fréquentés ou, au contraire, délaissés.

« Il faut savoir que le taux moyen d’occupation des postes de travail se situe entre 50 pourcent et 60 pourcent à l’heure actuelle en Ile-de-France, » explique Camille Rinieri, Consultante Recherche Entreprises chez JLL. « Ces données sont essentielles pour les entreprises car elles leur permettent de réallouer les postes vacants à des espaces de travail collectifs, par exemple. »

Une évolution lente

« Près de 70 pourcent des directeurs immobiliers souhaitent recruter un Data Scientist, un expert de l’intelligence artificielle ou un ingénieur IOT dans leur équipe. »

Camille Rinieri, Consultante Recherche Entreprises, JLL France

Pourtant, les bureaux ont encore du chemin à faire avant de rentrer dans une logique de Big Data. D’une part, parce que les ressources manquent souvent cruellement.

« Ce qui freine aujourd’hui les entreprises dans le Big Data c’est qu’elles n’ont pas les compétences en interne. Il y a beaucoup de choses qui sont collectées mais qui ne sont pas analysées. » affirme Camille Rinieri. « Près de 70 pourcent des directeurs immobiliers souhaitent recruter un Data Scientist, un expert de l’intelligence artificielle ou un ingénieur IOT dans leur équipe. »

D’autre part, les salariés français ont longtemps opposé une résistance à la collecte et au partage de leurs données personnelles. Le sondage mené par JLL auprès de 1046 actifs démontre que 78% d’entre eux craignent que leurs données soient utilisées comme un outil de ‘flicage’.

Mais Flore Pradère reste confiante : « Le tout est d’éduquer les salariés et de leur faire comprendre que leurs données ne seront en rien utilisées contre eux mais, au contraire, qu’elles permettront d’améliorer leur expérience et leur confort au travail. » 

Expérience utilisateur 2.0

Avec la data c'est une expérience augmentée qui se profile pour demain : hauteur de siège, température, lumière, tout s’ajustera automatiquement lorsqu’un salarié prendra place à son poste de travail.

 « De plus en plus, les salariés demandent une attention particulière à leurs individualités, » note Camille Rinieri. « Nous pouvons donc imaginer que, demain, leurs préférences soient analysées pour paramétrer leurs espaces de travail. »

De même, l’expérience sera rendue plus fluide grâce à des technologies qui permettront de proposer à chacun l’espace ou le poste de travail le plus adapté à ses besoins personnels et à son agenda du jour.

« Aujourd’hui, nous sommes encore dans la réaction » note Flore Pradère. « Demain, nous utiliserons le Big Data et le Machine learning à des fins beaucoup plus prédictives et ce, afin d’anticiper les besoins des salariés dans leurs espaces de travail. » 

L’apanage des grands groupes ?

« Demain, nous utiliserons le Big Data et le Machine learning à des fins beaucoup plus prédictives et ce, afin d’anticiper les besoins des salariés dans leurs espaces de travail. »

Flore Pradère, Directrice Recherche Entreprises, JLL France

La technologie évolue rapidement. Certains imaginent déjà des scénarios futuristes tels que la reconnaissance faciale et le scanner émotionnel. « Cela permettrait de passer au crible tous les jours l’humeur des salariés afin de détecter de potentiels problèmes au sein d’une équipe, » explique Camille Rinieri.

Mais là encore, un long travail d’éducation sera nécessaire. « A partir du moment où les données sont agrégées pour comprendre la tendance de masse, cela ne pose pas vraiment de problème. Mais dès que l’on s’intéresse à l’individu lui-même, il y a beaucoup plus de réticences, » conclut Flore Pradère.