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Comment Paris se transforme au gré du commerce du luxe

Le marché du luxe français jouit d'une réputation formidable et réussit à faire cohabiter
les marques locales de renommée mondiale et les créateurs étrangers dans les rues de ses grandes villes.
 
16 novembre 2018

« Le secteur du luxe cherche à élargir son panel d’offre et les millennials, qui sont en quête de marques et de qualité, constituent désormais une cible de choix. Les marques du secteur s’adaptent donc à cette nouvelle clientèle en proposant un segment de produits accessibles tels que les cosmétiques et les parfums. »

Véronique Nocquet, Directeur Agence Conseil, JLL

Ainsi, la France comptait le plus grande nombre d’enseignes de luxe en 2017, selon une étude du cabinet Deloitte; une embellie en grande partie portée par la capitale. 

Il faut dire que Paris entretient une véritable culture du luxe. Que ce soit par le biais de son histoire, de son savoir-faire artisanal ou de la garantie offerte aux clients d’acquérir des produits authentiques, la ville lumière a tout pour attirer les consommateurs. Avec, au premier rang, les touristes étrangers.

« Paris bénéficiera toujours de l’attachement émotionnel des étrangers pour notre capitale, » constate Véronique Nocquet, Directeur Équipe Commerces France chez JLL. « Beaucoup perçoivent Paris comme le berceau de la haute couture et de la mode où se mêlent élégance et raffinement. »

Cela explique pourquoi le marché du luxe parisien reste l’une des premières destinations touristiques au monde, selon elle. Un marché qui profite d’ailleurs de l’essor du tourisme mondial et de la hausse du pouvoir d’achat de ses visiteurs. 

Nouvelle cible

De nouvelles cibles commerciales sont à présent dans le viseur des grandes enseignes.

« Le secteur du luxe cherche à élargir son panel d’offre et les millennials, qui sont en quête de marques et de qualité, constituent désormais une cible de choix, » note Véronique Nocquet. « Les marques du secteur s’adaptent donc à cette nouvelle clientèle en proposant un segment de produits accessibles tels que les cosmétiques et les parfums. »

Preuve de cette transition? L’ouverture d’une boutique beauté Chanel rue des Francs Bourgeois, en plein cœur du Marais, il y a quelques années.

« Cela entraîne un bouleversement des repères traditionnels de segmentation géographique, » poursuit Véronique Nocquet. « Alors que les enseignes de luxe ont longtemps privilégié les grandes artères de la capitale telles que les Champs Élysées et l’avenue Montaigne, elles trouvent à présent un nouveau souffle dans certains quartiers, qui réunissent à la fois des enseignes mass market et de luxe. »

Au cours de la dernière décennie, Hermès a ainsi déménagé dans le quartier St Germain dans le 6ème arrondissement, en convertissant en magasin une piscine Art déco construite en 1935.

Plus récemment, c’est le Lutetia, unique palace de la rive gauche, qui a rouvert ses portes, quelques années seulement après la réouverture du Bon Marché.

 

Forte pression

Mais l’arrivée des marques de luxe dans les nouveaux quartiers n’est pas sans conséquence. Ainsi, une demande soutenue associée à une offre toujours limitée, maintiennent la tension à la hausse des valeurs locatives avec un prix au mètre carré avoisinant les 5000 à 6000 euros rue des Francs Bourgeois, selon Véronique Nocquet.

Quant aux quartiers traditionnels, ils ne sont pas pour autant délaissés. Chanel, par exemple, a fait l’acquisition de plusieurs locaux autour de son siège historique, rue Cambon dans le 1er arrondissement, au cours de la dernière décennie.

Louis Vuitton a également ouvert son nouveau magasin flagship Place Vendôme au mois d’octobre 2017 sur plus de 1500 mètres carrés.

Là aussi les prix s’envolent. « Les valeurs locatives peuvent maintenant atteindre plus de 23 000 euros au mètre carré sur le trottoir pair des Champs Élysées, par exemple, » analyse Véronique Nocquet.

Relocalisation

Mais alors que les prix dans le centre de Paris augmentent pour tous les types de biens immobiliers, certaines enseignes n’ont d’autres choix que de délocaliser leurs activités en proche banlieue. Ainsi, Chanel ouvrira d’ici 2020 une manufacture de la mode regroupant 15 de ses maisons de métiers d’art entre le 19ème arrondissement parisien et Aubervilliers en Seine-Saint-Denis.

« Ces maisons ont besoin d’espaces avec des valeurs locatives plus faibles pour mettre tout leur savoir-faire au service de leurs clients, » explique Véronique Nocquet. « Le but étant de créer de véritables laboratoires de la création en regroupant au sein d’un même atelier les plumassiers, les modistes, les brodeurs ou même les chausseurs, afin de préserver ces métiers d’art. »

Reste à savoir ce que l’avenir réserve aux enseignes de luxe. Avec l’arrivée en force du e-commerce, les ventes en ligne pourraient représenter le quart des dépenses de luxe d’ici 2025.

« Il est vrai que la clientèle des maisons de luxe reste fidèle à l’expérience retail en magasin, » conclut Véronique Nocquet. « Mais grâce à l’utilisation massive des portables par les millennials, le secteur de luxe pourrait bien connaître les mêmes mutations que le commerce traditionnel. »

Une chose est certaine, cependant. Que les clients fortunés achètent en magasin ou en ligne, la France restera toujours synonyme de commerce de luxe et ce, pour de nombreuses années encore.